1° La puissance de l'écoute (par Marianne Verschooris)
2° Qu'est-ce qu'un bon psychothérapeute ? (par Pascale Senk)

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La « puissance » de l'écoute... Par Marianne Verschooris

Psychothérapie: « Approche centrée sur la personne existentielle et expérientielle de Carl Rogers » - Texte personnel -

Se sentir écouté(e) et entendu(e) sans jugements, sans conditions, sans évaluations, sans conseils ni interprétations, ni commentaires, ni critiques...

Nous minimisons bien trop la puissance de l'écoute et son effet thérapeutique favorable à l'évolution positive de la personne pour elle-même. Cette dimension humaine de l'approche centrée sur la personne témoigne d'une grande confiance en l'être humain et de la vision positive de la nature humaine. Le postulat de base de l'approche est la confiance dans la force vitale, en chaque être humain, qui le pousse et le dirige toujours toujours vers ce qui est bon pour lui.

A maintes reprises, nous vivons la « non-écoute » au quotidien dans nos relations. Que de situations au cours desquelles nous devons nous cacher, nous nier, mentir, faire plaisir par peur du rejet ou de l'abandon....

Les jugements, les conseils, les commentaires, les évaluations, les directives, les interprétations, les diagnostics, les incompréhensions, les culpabilisations, les conditionnements... nous éloignent de nous-mêmes.

Inutile de s'en vouloir, c'est inévitable !

Nous n'avons pas reçu « le mode d'emploi de la relation » en naissant, nos parents, nos grands-parents... non plus !

Carl Rogers a vérifié et validé scientifiquement l'inefficacité des interprétations dans la relation psychothérapeutique.

Il a tenté la bienveillance, ensuite la congruence et l'empathie comme conditions favorables et essentielles d'une relation thérapeutique, climat favorable qui amène la personne vers un changement positif POUR ELLE et respectueux d'elle-même.

Le désir de chaque être humain est de se respecter, d'être lui-même, de se rencontrer et d'être en accord avec lui ! Il a le désir également d'être libre, responsable et de trouver un sens à sa vie. (Partie existentielle de l'approche)

Il y a ce que je suis, l'idée de ce que je suis, ce que je voudrais être et ce que les autres voudraient que je sois. Nous nous construisons ainsi au cours de notre existence.

Nous entendons fréquemment : « Ce que je suis, est-ce bien moi ? » - « Qui suis-je? » - « Suis-je libre d'être moi-même? » - « J'ai fait ce choix pour faire plaisir à mon père! Et moi? Je me sens perdu! » - « Je ne m'y retrouve plus...! » - etc...

L'idée que j'ai de moi est souvent tronquée par le regard conditionnel des autres - parents, profs, éducateurs... - dont j'ai besoin d'être considéré(e) et aimé(e).

Cette double dimension intérieure: être aimé(e), considéré(e) et être soi est un réel « duel intérieur » qui produitdes « nœuds », des paradoxes, des conflits et des désaccords internes, sources de nos angoisses, de nos « mal-être », de nos tensions, du stress, de certaines somatisations, de la dépression, du burn out, du surmenage, de certaines difficultés alimentaires...

Chaque personne a ses propres ressources mais s'en est éloignée par le conditionnement lié aux personnes extérieures dites « personnes-critères ».

Le travail thérapeutique dans l'approche centrée sur la personne que j'ai expérimenté à titre personnel m'a permis de me retrouver et de devenir une meilleure compagne pour moi-même, de tenter d'accepter les creux dans ma vie et de me libérer des jugements et de la culpabilité, d'oser être vraie et authentique.

Au fil des séances avec les personnes qui me font confiance et qui me livrent leur vie, je découvre depuis des années les effets libérateurs d'une écoute bienveillante. Il ne s'agit pas d'une simple écoute mais d'une « écoute au-delà des mots » et au travers du vécu de chaque personne. (Partie expérientielle de l'approche)

L'essentiel dans cette approche est la personne qui vit le problème et non le problème. Que vit-elle au travers de sa difficulté? Comment vit-elle cette souffrance? Où se situe-t-elle vraiment? Quels enjeux existentiels et relationnels traversent-elle dans la situation problématique en question? ...

Le climat bienveillant dans le cadre de la thérapie centrée sur la personne va permettre à la personne d'être acceptée et considérée sans condition et de manière positive afin qu'elle puisse mobiliser ses ressources, s'y reconnecter et trouver ses propres solutions face à ses difficultés en restant libre de ses choix et de son rythme. Il s'agit donc de respecter la personne dans son processus vital.

La personne pourra ainsi reprendre confiance en elle.

Voilà donc, en quelques lignes la philosophie de l'approche centrée sur la personne dans laquelle je travaille.

Qu'est-ce qu'un bon psychothérapeute ? Par Pascale Senk

Publié le 14/09/2018

NOS CONSEILS - Comment savoir si l'on a frappé à la porte du bon professionnel, celui qui va accompagner ses patients jusqu'à un mieux-être durable ? Dans Le Figaro, Irvin Yalom, véritable « trésor national vivant » de la psychiatrie américaine et professeur émérite de psychiatrie à Stanford, évoque son nouveau livre.

D'écoles et d'obédiences différentes, et sous des titres variés - psychiatres, psychologues, psychanalystes, psychothérapeutes ou psychopraticiens... -, ils exercent l'art difficile de la psychothérapie. Longtemps reclus dans le huis clos de leurs cabinets, ils sont désormais archiprésents sur les antennes de radio, les plateaux de télévision, les web-TV... Au point que même la fiction s'en est emparée. Dans la série En analyse (In Treatment), le héros principal Paul Watson, shrink («psy») new-yorkais, permet aux téléspectateurs d'apprécier in vivo les prérogatives de ce métier. Mais en réalité, qu'est-ce qu'un orfèvre en ce métier? Comment savoir si l'on a frappé à la porte du bon professionnel, celui qui va accompagner ses patients jusqu'à un (on l'espère) mieux-être durable et concrètement perceptible au quotidien? Qu'est-ce qui signe la compétence en cette matière presque alchimique, le soin psychique?

Bien sûr, il y a les repères de base, que tout patient devrait connaître. Avant d'être «bon» ou non, un psychothérapeute doit avoir été solidement formé, ce que la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse (FF2P https://www.ff2p.fr) fait notamment reposer sur quelques points incontournables: avoir étudié au moins quatre ans, dans une école reconnue, à la fois la psychopathologie et une méthode de psychothérapie ; avoir fait un travail sur soi suffisant ; être supervisé dès son premier client ; enfin, accepter un code de déontologie de la profession.

Supervisions régulières

«Cette formation, qui ne s'arrête jamais vraiment, repose à la fois sur des connaissances théoriques et de la pratique», résume Isabelle Crespelle, psychologue, psychothérapeute et cofondatrice de l'École d'analyse transactionnelle de Paris Île-de-France (https://www.eat-paris.net). «Si celles-ci sont nécessaires, elles sont cependant loin d'être suffisantes, car les plus compétents ne sont pas ceux qui se montrent imbattables en connaissances ; en plus d'être à l'écoute de son intuition, le "bon" thérapeute est capable d'humilité: il sait que si son patient va mieux, ce n'est pas uniquement grâce à lui ; que s'il n'avance pas, ce n'est pas non plus uniquement à cause de lui. De plus, il remet constamment en cause sa pratique et sa relation aux patients au cours de supervisions régulières.»

Un de ces virtuoses, Irvin Yalom, véritable «trésor national vivant» de la psychiatrie américaine, publie à 85 ans son autobiographie, qui est aussi un passionnant document sur ce qui se passe dans le lien psychothérapeutique et ce qui fait l'étoffe des grands pros (lire ci-dessous).

Ainsi, la capacité qu'a le psychothérapeute à «s'investiguer» lui-même pour ne pas encombrer le patient de ses propres impasses inconscientes. Le Pr Yalom, dans son livre, s'adresse solennellement à ses jeunes collègues: «Votre principal instrument est votre moi ; apprenez sur lui tout ce que vous pouvez et ne laissez pas vos points aveugles bloquer l'accès à vos patients, vous empêcher de comprendre ce qu'ils traversent.»

Isabelle Crespelle relève cet écueil chez certains candidats au métier. «Entrer dans l'acceptation inconditionnelle d'un patient n'est possible que si l'on a fait suffisamment de travail sur soi. Dès la fin de la première année, nos étudiants doivent participer à un séminaire d'exploration de leurs motivations, afin d'éviter les fausses routes ; quelquefois, nous leur demandons d'interrompre un temps leur cursus pour pacifier leurs problèmes, réparer leurs propres souffrances.» D'ailleurs, l'autorisation d'exercer n'est pas donnée avant la troisième ou la quatrième année, avec l'engagement de supervisions régulières. «Le "bon" thérapeute a appris à s'aimer suffisamment pour pouvoir "aimer" suffisamment son patient-client afin de l'accompagner pour qu'il en fasse de même», précise l'enseignante.

À l'heure où le focus et les interrogations concernant le process se déplacent sur les supports numériques de la psychothérapie - peut-on faire une analyse par Skype? Que penser des séances sans rencontre en chair et en os? -, il est bon de se rappeler qu'un psychothérapeute compétent est d'abord celui qui sait établir une sorte de contrat moral avec son patient, créer un «cadre» relationnel favorable au processus thérapeutique. Ces compétences de lien, que ce soit par écran interposé ou non, importent avant tout. «Car c'est là l'essentiel, rappelle Isabelle Crespelle: avec un bon thérapeute, vous vous sentez profondément accepté et compris.»

D'ailleurs, Irvin Yalom himself supervise des sessions de «texto-thérapie». Pour lui, et étant donné l'échange empathique qu'elle permet à travers de courts messages, «cette nouvelle méthode peut offrir une relation plus personnelle que le face-à-face avec un praticien appliquant à la lettre un manuel».

Irvin Yalom: «Être utile au patient»

Irvin D. Yalom, est professeur émérite de psychiatrie à Stanford. Il vient de publier son autobiographie, Comment je suis devenu moi-même (Éditions Albin Michel).

LE FIGARO. - Quelles qualités ont, selon vous, fait de vous un psychothérapeute émérite?

- Crédits photo : Barbara Munker/picture-alliance/dpa/AP Images

Irvin YALOM. - Carl Rogers, il y a fort longtemps, a défini les compétences de base d'un bon psychothérapeute: sa capacité à montrer de l'empathie au patient ; son aptitude à poser un regard inconditionnellement intéressé et positif sur celui-ci ; sa faculté à être authentique. Ces orientations, je les ai toujours suivies avec sérieux. Mais j'ai, de mon côté, réalisé assez tôt qu'il est essentiel de prendre du temps pour analyser cette relation que moi, psychothérapeute, j'entretiens avec le patient. Une grande partie de la séance doit être consacrée à cette exploration particulière: comment ça se passe entre ce patient et moi? Quels sont les écueils, les progrès que nous faisons dans notre manière d'avancer ensemble, de nous comprendre? J'ai toujours observé cela avec grande attention.

Cette qualité relationnelle n'est donc pas donnée d'avance?

Lorsque j'étais plus jeune, j'avais moi-même quelques difficultés à me relier aux autres. J'étais très anxieux, timide et introverti ; la pratique de mon métier m'a offert une formation approfondie pour changer cela. J'ai aussi développé, dès l'adolescence, un lien très profond et authentique avec ma femme, j'ai chéri quelques amitiés... Alors, en réalité, je me suis transformé moi aussi au fil du temps, et la pratique de la psychothérapie m'y a certainement aidé.

Cette qualité relationnelle oblige-t-elle le psychothérapeute à «tout dire» au patient?

Non, il n'est nullement question pour le psy de dire tout ce qu'il ressent pendant la séance! On se doit d'être d'abord utile au patient, donc pas question de lui dévoiler des éléments ou des ressentis qui ne lui serviront pas. Mais, par exemple, si le psychothérapeute sent à plusieurs reprises monter de la colère en lui envers ce patient, même s'il n'a pas à le lui dire, en revanche, il est important qu'il garde cela en tête. Car alors il tient là une idée de la manière avec laquelle ce patient provoque certainement de la colère chez ses proches ou ses collègues. Il faut donc toujours se demander: comment se fait-il qu'il éveille autant de colère chez moi et chez les autres?

Avec le recul, qu'est-ce qui vous semble avoir été déterminant dans votre apport à la psychothérapie?

Mon apport principal a certainement été d'avoir intégré dans mon approche, à partir des années 1990, des concepts philosophiques tirés des œuvres de grands penseurs comme Nietzsche ou Schopenhauer, ou d'écrivains comme Tolstoï, Beckett... Et de raconter cela dans des romans. Car les grands sujets dont je souhaitais parler avec mes patients - le sentiment de solitude, de culpabilité, de responsabilité - que j'ai développés dans Thérapie existentielle (Éditions du Livre de Poche) - étaient plus souvent abordés en littérature qu'en psychothérapie. Par exemple, en séance, on n'évoquait jamais la peur de la mort. Des lieux où les malades pouvaient en parler n'existaient pas. À la fin des années 1960, j'ai donc créé les premiers groupes de parole pour personnes atteintes de cancers incurables. À l'époque, elles étaient très isolées. Tout le monde, par peur de les détruire, évitait de leur parler de l'échéance finale et elles-mêmes ne voulaient pas en parler car elles craignaient de bouleverser leurs proches.

Que diriez-vous aux patients qui se demandent s'ils ont trouvé un bon thérapeute?

Je leur dirai de réfléchir à ces questions: votre psy se montre-t-il présent? vous écoute-t-il? vous sentez-vous libre de parler de tout avec lui, notamment de la qualité même de votre relation? Et évidemment, s'il semble vouloir établir un lien plus amical avec vous, voire sexuel, ou s'il vous propose de partir en vacances avec lui... changez de psy!

Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 17/09/2018.